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Mona
Cara
Photo © Louis Remy
Née à Hyères en 1997, elle vit et travaille à Paris.
Après un double cursus aux Beaux-Arts de Paris et aux Arts Décoratifs, elle propose un travail plastique autour du tissage, de l'installation et de la sculpture. Lauréate des prix du public « CRUSH » en 2021 puis du « Prix Dauphine pour l'Art Contemporain » en juin 2023, son travail a fait l'objet d'une exposition personnelle à l'occasion de la « Paris Design Week » aux Espaces Atypiques (2022) et de plusieurs collectives, dont la restitution de Mondes Nouveaux - programme de soutien à la création du Ministère de la Culture - aux Salins d'Hyères (2022).
On dit avec raison que les métiers à tisser sont les ancêtres des ordinateurs. Ils permettent de programmer le tissage de motifs complexes, de textures diverses, de compositions avancées. Ce sont autant de possibilités que Mona Cara a trouvées dans ce médium qui permet de créer des objets utilitaires autant qu'ornementaux. À partir de dessins et d'images chinées, elle dessine puis programme des fresques aux couleurs vives qui oscillent entre l'émerveillement acidulé des représentations issues de la pop culture et le flou cinétique, chargées d'informations, d'une errance dans les profondeurs d'internet laissant entrevoir une critique de nos sociétés sur-consommatrices d'images et de biens. En cela, elle s'inscrit dans la lignée d'artistes tels que Mike Kelley, Takeshi Murakami ou encore Annette Messager, dont le travail joue avec les codes de l'enfance en les détournant, révélant ainsi les aspérités rugueuses de notre monde.
Poussant les métiers à tisser industriels à leurs limites, Mona programme ces tissages afin de faire advenir des erreurs et ratés, des glitches dans l'exécution par la machine. Brouillant ainsi les représentations qu'elle nous propose, ces emberlificotements rappellent les bugs de compression vidéo dites de "datamoshing", faisant exploser les images en plaques juxtaposées de couleurs vives. La figuration est ici contredite par les fils et la trame qui se délient ou au contraire se densifient et deviennent abstraction tachiste.
Son travail comme l’on fait d’autres tapisseries historiques raconte notre présent bousculée par le numérique, les marques, la publicité, la pollution, la guerre et le désenchantement du monde. Dans "La mer poubelle", tissage monumental de 7m50 de longueur, elle réalise une fresque picturale dont le foisonnement de détails et la composition en surplomb ne sont pas sans nous rappeler les peintures de Brueghel l'Ancien. Cependant, la multiplication des fils de couleurs et de diamètres différents ainsi que la constante modification des tissages déconstruit l'image et brouille toutes narrations. C'est avec subtilité que Mona Cara laisse ici et là apparaître un enfant, une bouée en forme de licorne ou un personnage de dessin animé dans cet océan qu'elle qualifie de poubelle. Une "Pou-Belle" en effet magnifique et cryptique, dont les créatures mignonnes qui l'habitent nous trompent sur l'état de déliquescence du monde.
Chacune de ses pièce joue sur cette beauté rassurante qu'imprime cette foison d'images, cette myriade de couleurs, cette surabondance de motifs comme pour nous gêner dans notre capacité à voir l'oeuvre dans son ensemble. Ce n'est pas pour rien que le travail de Mona Cara fascine. Il est la parfaite illustration de nos contradictions, il donne du "KAWAI", mais sous la surface, entre les fils, on devine le réel qui résiste et le monde qui part à la dérive.
Damien Levy
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