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Yoshikazu
Goulven Le Maître

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Né en 1995, Yoshikazu Goulven le Maître est diplômé de la HEAR en 2021. Il vit et travaille à Strasbourg.

Son travail de sculpture cherche à imiter le vivant, et plus particulièrement le règne animal.

Au fil des années, Yoshikazu a su créer un bestiaire peuplé d’animaux souvent si familiers que nous ne les voyons plus : pigeons, moineaux, chiens, ânes, cervidés, et bien d'autres encore. Cette mimesis est contrainte par une règle que s’impose l’artiste : l’usage exclusif de matériaux recyclés, ramassés, récupérés. C’est avec une grande virtuosité qu’il assemble ces fragments pour donner vie à ses sculptures. Certaines se rapprochent de la taxidermie, tandis que d’autres prennent des formes plus libres, plus romanesques.

Ce souci du vivant, de la trace et de la mémoire se retrouve dans des œuvres à la fois touchantes et dérangeantes. Elles fonctionnent souvent par séries. On peut citer par exemple celle des "Petits oiseaux", réalisés à échelle réelle à partir de tissus rapiécés et de fil de fer. Ces sculptures deviennent de véritables études ornithologiques, où apparaissent le Moineau friquet, le Rouge-gorge, la Mésange charbonnière ou encore le Moineau domestique — autant d’espèces autrefois omniprésentes dans nos villes et aujourd’hui en recul, du fait de l’activité humaine. Ces oiseaux deviennent ainsi des aides-mémoires : car la disparition d’une espèce est toujours lente et insidieuse, au point que l’on ne s’en rend pas compte. C’est contre cet oubli silencieux que travaille l’artiste, avec minutie et une forme de douceur inquiète.

Une autre série intitulée "Les chaises de la rue" met en scène des chiens réalisés à partir de chaises abandonnées, cassées ou abîmées, trouvées sur le trottoir, que Yoshikazu transforme à l’aide de vêtements usés et de tissus troués. Ces sculptures donnent naissance à des entités à quatre pattes, à mi-chemin entre objet et animal. En redonnant vie à ces objets rejetés, l’artiste interroge notre rapport à l’animal domestique, mais aussi à la précarité. Ces chiens de fortune, faits de bric et de broc, évoquent autant les compagnons fidèles que les figures d’un monde en marge, comme des constructions issues d’un bidonville urbain.

D’autres pièces singulières viennent compléter cette ménagerie : des peaux de bêtes, renne, renard ou âne, composées de tissus lacérés, une carapace de tortue géante faite de tôle automobile, un squelette de lézard des murailles agrandi à l’échelle d’un fossile préhistorique. Mais l’une des œuvres les plus marquantes est sans doute celle d’une silhouette simiesque dont la tête est un rétroviseur brisé, et le corps constitué de blousons de cuir rapiécés. Elle concentre à elle seule toute l’intelligence du travail de Yoshikazu : en nous tendant ce miroir fragmenté, l’artiste évoque notre ancêtre oublié — une créature étrange, troublante, si proche et pourtant si différente. Ce chimpanzé, devenu image de nous-mêmes, nous regarde à travers ses matériaux de rebut, vestiges d’une société de consommation. Il nous parle de ce que nous avons perdu : notre lien au vivant, à l’animal, à la matière. Il nous renvoie aussi à notre propre vulnérabilité, à notre capacité à oublier, à exclure, à détruire — mais peut-être aussi, à réparer.

Damien Levy

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