Jérôme
Grivel
Jérôme Grivel est un artiste français né en 1985, résidant et travaillant à Paris.
Diplômé de la Villa Arson en 2010, il est actuellement résidant des ateliers Poush.
Son travail s'étend à divers médiums, de la sculpture à l'installation en passant par le dessin et la performance.
Au cœur de son œuvre réside une interrogation sur les violences sous-jacentes dans nos sociétés contemporaines. Ses créations portent en elles une révolte implicite, dépeignant non pas un parti pris mais une mise à nu froide et parfois brutale des angles morts de notre époque. Ce sont des propositions plastiques mais surtout mentales, renvoyant aux caractères dystopiques de notre monde et oscillant entre construction critique et absurdité drôlatique. Elles jouent sur la frustration, l'aliénation et les pressions sociales, politiques et économiques qui gouvernent nos vies, celles des artistes. En résulte une pratique protéiforme où le dessin, la sculpture ou encore la performance peuvent tour à tour devenir le médium qui saura le mieux décrire cette recherche.
Dans ses performances intitulées "Occurrences", Jérôme Grivel "use sa voix", hurlant au micro dans des musées et centres d'art, créant un décalage glaçant avec son environnement. Ces cris, qui progressivement se transforment et se répètent grâce aux dispositifs électroniques de mise en boucle qu'il met en place, forment une matière sonore complexe, toute en nuances, reprenant les vocalisations des chanteurs de musiques extrêmes (punk hardcore et métal), des courants musicaux souvent méconnus et parfois méprisés. Allant jusqu'à son propre épuisement, ces pièces sonores font passer le spectateur de l'état de stupeur à une transe presque méditative. Proche d'un Chris Burden, Grivel nous met face à une violence sonore directe et perturbante. Il pirate les lieux et nous questionne sur ces temples modernes où règne habituellement un silence religieux, que sont les musées et centres d'art, ici perturbés par les cris d'un artiste.
Dans ses sculptures et dessins, Jérôme Grivel représente des architectures qui contraignent le visiteur, des escaliers menant à des cages, des giratoires où l'on ne rencontre jamais l'autre, des sculptures de métal aux formes minimalistes évoquant des cellules. Ces propositions plastiques s'inscrivent dans une recherche sur la place des corps dans l'architecture, elles sont dans la continuité de celle d'un Absalon ou encore d'un Bruce Nauman. Chaque œuvre est une stratégie d'évasion que l'artiste nous présente, mais dont la finalité n'est pas une solution mais une constatation inquiétante : l'incarcération permanente. En cela, elles sont les images mentales d'une tension entre l'homme et son environnement, le besoin de liberté et la réalité contraignante voire violente et répressive.
Dans sa récente série des "Paysages-clôture", il réalise des dessins au fusain, des paysages entre étrangetés et banalités quotidiennes sur lesquelles des grillages métalliques sont juxtaposés. Ces grilles, à la fois décoratives et obstructrices, prennent des allures mondrianesques et renvoient à la modernité. Le dessin et la virtuosité sont visibles mais à travers les barreaux de cette prison créée par l'artiste mettant le spectateur face à un dilemme : si ce dessin est en cage, est-il dangereux ? Ou bien est-ce la cage qui musèle? C'est sans doute entre le dessin et la grille qu'un espace se crée et donne toute sa profondeur à cette nouvelle série.
Fondamentalement, l‘œuvre de Jérôme est issue d’une colère provoquée par la condition humaine. Elle pointe la faculté qu'ont les gens d'ignorer les situations qui les dérange voir les oppressent.
C'est cette violence sourde qui irradie dans son travail et qu’il s’emploie à nous remettre sous les yeux sans fard ni grand discours.
Damien Levy